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À l’occasion des Rencontres « 34°C », Adrien, alias « Salamech », va transformer le pont de la rue du Labournas en œuvre d’art. Depuis son atelier montpelliérain, il partage avec nous sa passion pour le graffiti et l’excitation procurée par son prochain défi artistique, qui aura Juvignac pour décor.
D’où vient votre pseudonyme, Salamech ?
Je ne l’ai pas vraiment choisi, on me l’a plutôt attribué ! C’est le nom d’un Pokémon et le surnom que me donnait mes copains dans mon adolescence, marquée par les références de pop culture. C’est aussi une contraction de mon nom de famille. C’est devenu une seconde identité.Comment définiriez-vous l’art urbain ?
L’art urbain est une discipline éclectique où les artistes utilisent la rue comme support de créativité. Elle englobe la danse, le sport ou le graffiti. Ce qui compte, c’est l’interaction avec le public, l’architecture, la matière...Comment vous êtes-vous mis au street art ?
Avec le graffiti, grâce auquel j’ai appris à travailler la lettre. J’ai aussi été influencé par la culture populaire des années 80 à nos jours, gravée dans l’inconscient collectif. J’essaie pourtant de m’en défaire autant que possible car cette culture nous submerge d’images, qu’elles nous viennent de la BD, du cinéma, de la pub. L’idéologie du divertissement, comme cette globalisation qui nous arrive en pleine tête, court-circuite à mon sens la créativité. Aujourd’hui, je désire aller vers quelque chose de plus singulier, de plus personnel.Dans ces univers, justement, des artistes vous ont-ils inspiré ?
Je m’inspire globalement du mouvement de la culture graffiti, d’artistes connus ou inconnus, de littérature ou de musique. J’aime Albert Camus ou Hermann Hesse, leurs romans initiatiques, leurs voyages intérieurs. La musique est aussi très importante, elle m’accompagne au quotidien dans mon atelier. Comme pour la plupart des artistes, elle fait partie de l’état méditatif dans lequel je me plonge quand je produis.De la musique « urbaine » ou pas forcément ?
J’aime la musique qui fait du bien aux oreilles ! À part l’accordéon ou la cornemuse, j’aime beaucoup de choses (rires).« Le pont du Labournas, c’est 800 m2 de surface avec du relief,
c’est un challenge »

© LineUp
À Juvignac, vous allez transformer le pont de la rue du Labournas. Quelle est votre intention créative ?
Je veux modifier la perception visuelle du pont en faisant une œuvre en all-over, c’est-à-dire couvrant la totalité de la surface. J’ai envie de proposer quelque chose qu’on n’a pas l’habitude de voir, interpeller le regard grâce à la couleur. L’idée est de morceler une composition abstraite avec des mots déstructurés qui feront référence au passage, au changement d’état. Cette œuvre sera exclusivement pensée en lien avec les notions de mouvement et de traverse.Vous avez l’habitude de travailler en milieu urbain. Comment appréhendez-vous ce pont éloigné des habitations et entouré de nature ?
Je l’ai pris en compte car c’est totalement nouveau pour moi ! Cet aspect va donner plus d’espace de respiration à ma proposition artistique. Ce pont, c’est 800 m2 de surface avec du relief, un vrai challenge : jamais je n’ai réalisé un projet de cette taille et je travaille habituellement sur surface plane. Du coup, ça colle parfaitement à mes envies actuelles et à l’évolution artistique dans laquelle je suis engagé. Toute intervention à cette échelle relève du défi… et je ne refuse jamais un défi !
« J’aime l’art quand il est porteur de sens »
L’art associé à des causes ou inspiré par des rencontres semble important pour vous…
J’aime l’art quand il est porteur de sens. Je suis récemment intervenu dans un hôpital psychiatrique pour faire de l’art thérapie. L’idée est de proposer un projet artistique à un public atteint de pathologies mentales ou physiques qui leur permettra de s’exprimer autrement que par la parole. Il y aussi les ateliers citoyens, comme le projet de la Mosson. L’art, ce n’est pas juste de l’égo. Il doit apporter quelque chose, toucher un public particulier.Vivez-vous de votre art aujourd’hui ?
Oui. Même si à titre personnel, le graffiti a toujours été un combat. J’ai un parcours aux mille détours, qui est aussi la somme de beaucoup de rencontres. J’ai par exemple la chance de partager mon atelier avec deux autres artistes, dans une maison qu’un architecte nous prête gratuitement, sa manière à lui de nous soutenir.La période actuelle, rythmée par des restrictions successives, impacte-t-elle votre travail ?
J’arrive à tirer mon épingle du jeu car j’ai la chance d’être installé et surtout de ne pas être touché par les restrictions car mon activité artistique n’entre pas dans la catégorie des arts vivants. Pour autant, la notion de temps n’est plus vraiment la même. Les périodes productives sont plus longues, ce n’est pas plus mal.Vous êtes aussi membre du réseau d’artistes LineUp, qui s’attache à valoriser l’art urbain et sa scène locale.
LineUp est un bon support pour les artistes. L’association joue un rôle important d’intermédiaire et de direction artistique, c’est un atout, aujourd’hui, de pouvoir compter sur ce volet pour mieux diffuser et faire comprendre nos œuvres.Justement, quelles sont celles dont vous êtes particulièrement fier ?
Il y en a deux. Je citerai d’abord « Héritages », un mural réalisé dans le quartier de la Mosson à Montpellier. Cette œuvre a été faite en collaboration avec l’association Pacim (Passeurs de cultures, passeurs d’images) dans le cadre d’un projet citoyen : elle a été conçue par et pour les habitants. Elle est très intéressante parce que c’est avant tout un projet humain.La deuxième est celle réalisée pour une résidence étudiante de Bouygues Immobilier. Intitulé « Infinity », ce mural traduit les infinies possibilités de la connaissance et de la quête de soi, alors qu’on nous explique que tout n’est que finitude, particulièrement aujourd’hui où le monde est limité. Pour les étudiants, je souhaitais un message d’espoir, quelque chose de coloré, de positif, pour faire rupture avec la morosité ambiante.
Ces deux œuvres sont visibles depuis l’espace public, tout le monde peut en profiter, en toute liberté. (« Héritages » est visible dans le quartier de la Mosson, à proximité du terminus du tram ; « Infinity » se déploie avenue Paul Bringuier à Montpellier, ndlr).

© LineUp
